Ce que le départ de Gbagbo ne résoudra pas
Il aura donc fallu quatre mois pour assister au départ de Laurent Gbagbo de la présidence de la Côte d’Ivoire. Seule la manière était sujette à interrogations : cela a finalement été une arrestation en bonne et due forme. Envisageons maintenant l’après-Gbagbo. Au contraire des Révolutions arabes, il y avait bien un mouvement d’opposition clairement identifié, avec un leader également affirmé, Alassane Ouattara. Le président reconnu par la communauté internationale devrait donc prendre le pouvoir rapidement. Mais de nombreux défis s’offrent à lui.
Tout d’abord, il y a les problèmes de long terme, que sa querelle avec Gbagbo n’a fait qu’envenimer : l’énorme difficulté à créer une réconciliation dans un pays hautement marqué par des violences ethniques. De plus, se pose le problème de l’exode massif qui a suivi le couac de l’élection présidentielle, puisqu’on a chiffré le nombre de personnes ayant fui Abidjan à environ un million. S’il veut (re)conquérir l’appui de ceux qui sont restés, Ouattara devra faire face aux coupures d’eau, d’électricité, et aux problèmes liés au manque de nourriture. Tout cela s’ajoutant évidemment aux problèmes d’insécurité (voire d’absence de loi) régnant dans tout le pays. Ces problèmes là, comme les autres, Ouattara ne les résoudra pas seul : seul l’appui de l’ONU et de la France lui permettront de parvenir à ses fins. Les partisans de Gbagbo sont toujours dans la nature, armés jusqu’aux dents.
Un autre défi d’Ouattara sera évidemment de faire croire à bon nombre d’ivoiriens qu’il n’est pas que le Président soutenu par les étrangers et notamment la France. Ces derniers jours (et même plus tôt dans son mandat), Gbagbo avait appelé à la résistance contre le colonisateur français. Charge à Ouattara de faire oublier ce triste constat de fait. De plus, les troupes d’Ouattara ne sont pas exemptes de tout reproche sur les quatre derniers mois. Dès l’arrestation de Gbagbo, les partisans d’Ouattara souhaitent l’accuser de crimes contre l’humanité et de guerre après certaines atrocités commises depuis novembre. Mais nul ne doute que le camp Ouattara n’a pas non plus les mains propres sur cette question là…
En résumé, on comprend qu’Alassane Ouattara a peut-être fait le moins difficile en gagnant cette guerre contre Gbagbo. Le Nord musulman lui est conquis. Restent les animistes et les chrétiens du Sud du pays, véritable poumon économique d’un pays qui mettra du temps à panser ses plaies. A moins de s’apercevoir, finalement, qu’il y avait plus d’anti-Gbagbo que de véritables pro-Ouattara…